Prenant connaissance d’un rapport rendu public le 15 octobre 2013 par la commission des lois du Sénat  et tendant à réformer la justice de première instance, sa lecture nous laisse perplexe.

Si nous avons bien compris, ce rapport fait suite à un premier rapport qui avait été établi en juin 2012 et qui avait, lui, pour objectif de dresser un premier bilan de la réforme de la carte judiciaire. Réforme de la carte judiciaire menée à la hussarde, sans concertation véritable des acteurs du monde judiciaire, et dont on ne sait réellement si une étude objective a été réalisée sur son bien fondé et ses résultats.

Aujourd’hui, sans désemparer,  et en  voulant se démarquer de cette réforme ( réforme qui aurait été menée à l’envers selon ses auteurs), les mêmes errements sont repris en tentant de justifier cette nouvelle réforme, par étapes dit le rapport, par une nouvelle organisation des tribunaux de première instance, la justice de première instance, pour les justiciables, étant complexe et peu lisible !

Le reproche fait, à juste titre,   à la réforme de la carte judiciaire en éloignant le justiciable des lieux de justice serait  aujourd’hui encore plus aggravé. Il n’y a qu’à voir aujourd’hui  la carte judiciaire et l’éloignement actuel de certains TGI des lieux économiques et sociaux.

Concentrer toutes les juridictions en un même lieu n’a aucun sens. La TPE nouvelle mouture ( Tribunal de première  instance) regrouperait en effet  toutes les juridictions, dont les tribunaux d’instance qui deviendraient en quelque sorte  des chambres détachées.  C’est exactement le même grief qui a été fait lorsque ces juridictions de proximité ont disparu dans des lieux où ils auraient du être maintenus ( rappelant qu’actuellement  la postulation par ministère d’avocat n’est  pas obligatoire devant ces juridictions, même si l’assistance d’un avocat  est fortement conseillée suivant les dossiers qui leur sont soumis  en raison notamment de leur complexité, par exemple en droit du crédit et de la consommation.

Mais il y a plus grave. C’est la volonté de création d’un GUG ( guichet universel du greffe ) qui aurait pour mission de donner la possibilité aux justiciables de saisir un juge en tous points du ressort, quelque soit la juridiction compétente.

Sans mettre en cause la compétence des greffiers, il faut bien reconnaître qu’ils ne sont pas là pour cela. Ce n’est pas leur métier. Et surtout ,c’est ignorer, ou feindre d’ignorer, que la procédure civile est parfaitement règlementée, que la matière est  souvent complexe suivant les domaines traités, que le choix d’une procédure plutôt qu’une autre relève en premier lieu d’une stratégie juridique dont seul l’avocat peut avoir la maîtrise. Parce qu’il connait son client, qu’il connaît le dossier et les termes du litige.

On ne choisit pas un tribunal comme on choisit un objet de consommation.

Et qui prendra cette responsabilité ? Le greffier, et derrière lui son assureur, c’est à dire l’Etat ?

Le Droit, et la procédure civile en fait partie intégrante, est d’abord et avant tout une science. Qui devient ensuite une technique. Le choix de compétence d’un tribunal, compétence territoriale ou d’attribution n’est souvent pas chose facile. Attention aux exceptions  d’incompétence qui peuvent avoir des conséquences dramatiques en terme notamment de prescription ou d’irrecevabilité de la demande.

Les GUG existent déjà  suivant les tribunaux de grande instance. Il renseignent les judiciables et les avocats sur des procédures en cours. L’expérience est loin d’être satisfaisante

Mais tout cela semble cacher une autre dimension à ce rapport. Si l’on s’accorde à dire qu’un patient doit aller  voir un médecin lorsqu’il est malade, en matière de justice, on fait fi de la technicité du droit, des études longues et studieuses pour  parvenir à sa compréhension, au delà des faits, de la formation initiale et continue obligatoire, de la compétence requise pour présenter au juge un dossier construit et argumenté.

Et la réponse à cette question est peut-être contenue dans la réponse faite par les honorables parlementaires à l’interrogation  sur l’opportunité de l’extension de la représentation obligatoire en première instance dans la perspective de l’harmonisation des procédures devant les juridictions de première instance. La réponse nous semble éloquente. Leur réflexion n’avait pas porté sur cette question.

Nous ne savons bien entendu quel sera le sort réservé à ce rapport, mais son objectif est loin d’être clair.

Michel ROUX

 

Crée le : 06-11-2013 – Modifié le : 06-11-2013 18:14:06